Interdépendance

Toutes choses s'enchaînent entre elles et leur connexion est sacrée et aucune, peut-on dire, n'est étrangère aux autres, car toutes ont été ordonnées ensemble et contribuent ensemble au bel ordre du même monde ( Marc Aurèle 121-180 )

La nature des choses.

Un objet manufacturé est le résultat d'un certain nombre d'actions qui nous conduisent à sa fabrication. Ce sont les « causes » de son existence. Ces causes sont multiples :
- il y a toutes les extractions de matières premières, toutes les motivations des gens qui ont extrait ces matières premières, toutes les causes qui ont conduit l'existence de ces matières premières... Et de proche en proche on peut remonter jusqu'au big-bang, s'il existe,
- il y a toutes les énergies qui ont servi à faire tourner les machines qui ont permis de construire cet objet,
- il y a toutes les motivations qui m'ont conduit à acquérir cet objet.
Il y a maintenant toutes les raisons qui ont fait que cet objet est arrivé entre mes mains, l'existence de mes mains, etc.

L'émergence des fonctionnalités

Le chien tiendrait la petite cuiller dans sa gueule, elle aurait perdu sa fonction de petite cuillère. La fonction de petite cuiller qui tourne un café est donc quelque chose d'extrêmement éthéré. Elle disparaît dès que l'un des composants disparaît.

Je trouve étonnant que lorsque les deux causes « se rejoignent » il apparaisse quelque chose d'intangible, quelque chose d'immatériel qui est cette nouvelle fonctionnalité, c'est comme si elle naissait du néant, de rien sauf de la conjonction des deux causes. Je reste sans voix, comme prostré devant ce qui me paraît être une évidence.

Cela montre bien l'importance de la notion d'interdépendance.
La fonctionnalité « petite cuiller qui tourne un café » disparaît très vite, disparaît dès qu'un composant n'est plus présent dans le système ouvert. C'est probablement une forme de l'entropie. Je touche là le concept d'impermanence.

En route vers la vacuité

Si je m'attache à remonter dans les branches du reseau des causes qui ont conduit à « l'existence de la petite cuiller tournant un café » je tombe en permanence sur des décisions ou des événements qui sont non-matériels!
Je vais remonter les causes en cherchant à rester sur les causes qui me semblent les plus matérielles. Il y a dans ces causes de l'existence de l'objet que j'appelle « petite cuillère » c'est-à-dire de la matière façonnée de telle sorte qu'il y ait ce que j'appelle un « manche » et une partie assez plate, oblongue, concave son cuilleron.
La forme de la petite cuillère est quelque chose qui me paraît immatériel.
J'ai envie de dire que la forme est vide. Je me sais pas de quoi est faite de cette forme.
En suivant mon critère - rester sur les causes qui me semblent les plus matérielles-, je pars vers la matière, "emprisonnée" dans cette forme. J'arrive vite à la notion de molécules, à la notion d'atomes, à la notion de trains d'ondes composant les atomes, et là je touche le vide.
En prenant à chaque fois la direction de ce qui est le plus matériel déjà abouti au vide. Je n'imagine pas comment en prenant une branche de l'arbre des causes plus éthérées j'arriverai à quelque chose de matériel et de plein, j'en conclus peut-être à tort que j'arriverai de nouveau sur le vide. Mais je ne suis pas le seul à arriver à cette conclusion. Ce qui n'est pas une preuve.

L'existence d'un objet ne semble donc avoir trois caractéristiques :

L'existence d'un objet ne semble donc avoir trois caractéristiques :
- il est vide,
- il est impermanent,
- il dépend d'une myriade de causes formant un réseau, partagé avec bien d'autres objets : je peux appeler ça l'interdépendance.

Cet objet, que je tiens,est donc la conséquence d'une myriade de causes. C'est la preuve tangible, c'est-à-dire que je peux toucher, de l'existence d'un phénomène résultant de toutes ces causes. Une seule cause manquerait et l'objet ne serait pas là.
Ceci est vrai même pour une petite cuillère, la fonctionnalité de la petite cuillère est réalisée par le système ouvert constitué par la tasse, le café, moi-même, sa forme, les matières qui la composent, etc.

Cela ressemble à s'y méprendre à ce qui nous a été transmi par Siddhārtha Gautama !

texte rédigé le 4 juillet 2009